Musique et délices
Le ciel de décembre pleure en silence une délicate dentelle de première neige qui vient soupirer dans les bras des arbres dégarnis et se suspendre comme de petits grelots blancs au bout des herbages fanés.
Passage des migrateurs devant les marais de la calanque, passage de la lumière devant la lentille, passage des saisons devant la vie - autant d’éphémérides devant l’autobiographe...
Des milliers de paillettes lenticulaires grenouillent autour de ce batracien comme autant de cafards autour d’une mare, lui laissant au passage sur la tête un bouquet de mariée.
La cour arrière et ses environs
L’arrière-cour est un atrium naturel, un portail vers des aventures naturalistes, une porte qui s’ouvre sur les replis de l’environnement, une occasion d’enrichir sa créativité - et parfois un espace d’intimité pour y parfaire sa paix intérieure.
L’arrière-cour ne se limite pas à un terrain civique, car dès qu’on ouvre cette porte et qu’on franchit ce portail, l’on ressent l’irrépressible envie d’explorer ce qui se trouve au-delà, de lorgner le fond des régions limitrophes, d’aller découvrir les beautés du milieu, de savourer les charmes de ces niches écologiques.
Mon arrière-cour inclut donc autant les mangeoires de ma cour arrière que les espaces verts des environs, autant le microcosme des plantes du jardin que l’univers du Lac du Village à Saint-Bruno, les secrets de l’embouchure de la Rivière-aux-Pins, ou même les merveilles du parc Guindon à Cornwall.
Un petit cardinal coiffé d’un chapeau à la pointe orangée et portant une jupe châtaine regarde passer les nuages et le temps, espérant de doux lendemains.
Pour embellir leur allure, ces petites boules de plumes s’empressent de dérober quelques graines à même le sol enneigé.
Peut-être ces graines serviront-elles comme autant de perles à enfiler dans les rectrices rigides et pointues de leurs minces ailes?
Le sculpteur Coeur de lion McCarthy, auteur de L’Ange de la Victoire qui trône à l’intérieur de l’ancienne gare Windsor, n’aurait pu rivaliser d’adresse et d’éloquence avec la frêle silhouette de cette créature angélique qui nous interpelle de par toute la délicatesse de son empennage.
Notez la plume attachée à l’os du pouce, au milieu de l’aile: elle forme un interstice que viennent combler des rémiges additionnelles, procurant au vol de ce roselin une poussée de soulèvement supplémentaire.
Jeu-questionnaire
Maintenant, au tour du jeu-questionnaire:
s’agit-il d’un pic mineur ou d’un pic chevelu?
La réponse, qui fera le bonheur des ornithologues amateurs, tient dans... le bec: celui du pic chevelu est plus long et plus pointu.
Entre vous et moi, serait-ce pour ramasser davantage de graines?
Acrobates
On remarque volontiers l’activité des oiseaux à la mangeoire. Mais prenons aussi le temps d’observer leurs acrobaties en figeant l’action en plein vol. On y découvre alors un véritable ballet de cabrioles, avec de grands jetés, de belles échappées - le tout pimenté de poses parfois fort curieuses!
Un abat-jour?
Attitude!
Devise: toujours plus haut!
Une danse à claquettes?
Un homard? Un éventail?
Lorsqu’en train de fourrager aux abords d’un cours d’eau, le
grand héron bleu
est d’une impassibilité légendaire devant les perturbations du milieu - tel ce canard qui brusquement s’envole à tire-d’aile.
Alors qu’ils peuvent nager peu après leur naissance, les jeunes du grèbe à bec bigarré font souvent du stop sur le dos de leurs parents. Mais cela peut s’avérer périlleux, car, lorsque dérangé, l’oiseau se laisse couler lentement jusqu’à ce que seule la tête demeure au-dessus de l’eau...
Sur une branche, une buse
Qui, avec ruse, s’amuse,
Laisse ses proies confuses
Par l’approche qu’elle use.
Ses proies supposent
Qu’elle fatigue et repose;
Mais quand soudain elle explose
Et avec éclair en dispose,
La scène s’achève plus morose.
L’aigrette a un régime alimentaire ‘opportuniste’ : à peu près tout ce qui passe par là est susceptible de finir au bec.
Or, le succès reproducteur des parents dépend largement de cette capacité à assurer la survie des poussins.
Dans les faits, une règle d’or s’impose: la taille du dîner qui gigote au bout du bec ne peut dépasser celle que les poussins sont capables d’ingérer...
L’atterrissage est une manœuvre parfois délicate où il faut déployer ses ailes sans nuire à l’essor des voisins ni percuter d’obstacles jalonnant son parcours. Une manière de vivre...
Mus par un appétit aiguisé,
martin et héron s’activent à dénicher
le menu du petit déjeuner
alors que la chouette rayée
sur son perchoir se contente de somnoler
jusqu’à la nuit tombée -
lorsque sa revanche elle pourra espérer.
Les hérons ont traversé les époques en se conformant aux lois de l’évolution des espèces dans leur comportement au quotidien. On ne s’étonne plus de les voir ainsi enfourcher leur menu du souper.
Mais, franchement, ce héron-ci a-t-il besoin d’un aussi gros poisson pour se sustenter?
Impérial dans son envolée silencieuse, résilient face au vent et au rude climat, cet inlassable navigateur survole de formidables distances à la recherche de ses proies, tirant profit non seulement d’une puissance acrobatique aérienne et d’une redoutable résistance aux toxines, mais aussi d’un sens aiguisé de l’odorat.
Son déguisement est unique: un bel ensemble d’un rouge éclatant, les lores, le front, la gorge et la barbe tout de noir vêtus, et de grands yeux noirs aux iris brun foncé - sans oublier le capuchon rouge aux plumes allongées. C’est Monseigneur le Cardinal!
À tout seigneur, tout honneur...